CONFINEMENT: INTERVIEW A DISTANCE AVEC JOHAN TERRAIL, SLASHEUR A MOUSSES ET TATOUÉ

A la deuxième saison du confinement on a repris les interviews à distance, en prenant l’angle du changement. Le confinement nous oblige à nous adapter, à changer de vies même parfois. C’est le cas de nos invités qui n’ont pas attendu la pandémie pour s’offrir un nouveau parcours ou pour vivre d’autres vies parallèles et se diversifier. C’est le cas de Johan Terrail dont les projets sont légion à Lyon avec plusieurs projets entrepreneuriaux qui tiennent au corps, du tatouage à la food bien pensée qui tient à la panse en passant par la bière pour laquelle, comme le biérologue Thibault Schuermans, il sait dispenser de très bons conseils sans se faire mousser. 

bières à lyon

Est-ce qu’on peut dire que tu es un slasheur ?

Oui totalement, mais c’est l’histoire de ma vie, j’ai toujours fait tout et n’importe quoi et tout en même temps.
Petit j’étais hyperactif physiquement (autrement dit, ultra chiant) et maintenant c’est plutôt d’un point de vu des idées !

Comment tu définis ton job ? Tu as un bar-restaurant, un salon de tatouage avec des tatoueurs tournants, une cave à bières. Quel est le point commun entre toutes ces activités ?

« Slasheur » c’est pas mal comme définition, « multi-entrepreneur » mais j’aime moins, parce que ma vie n’est pas seulement d’entreprendre, mais de gérer, de faire évoluer etc… je pense à des projets, je les monte, aussi bien techniquement que financièrement, et c’est parti, je trouve les bonnes personnes pour les gérer. Tout en ayant toujours « un œil » sur un projet, j’ai toujours l’autre œil sur une nouvelle idée, (ça me fait un peu loucher, mais c’est marrant). Une fois que ça tourne je suis un peu comme l’huile dans les rouages du projet, quand ça coince, je suis là pour trouver des solutions. Dans ce genre de vie on ne peut jamais se reposer sur ses lauriers et on doit toujours être à l’affût d’améliorations !
Un des points communs entre tous les projets que j’ai, c’est qu’ils servent à faire vivre des gens, qu’ils ne nuisent à personne, et qu’ils aident aussi bien des artistes, des producteurs, brasseurs et artisans locaux ! Surtout tous ces projets me font me lever le matin avec le sourire (même en gueule de bois) et ils fédèrent tous. Et puis je suis fils unique, j’ai toujours eu besoin de m’entourer, de réunir des potes et des gens.

Tu as déjà 3 activités, c’est assez, ou tu te vois en développer d’autres ?

Je n’ai pas d’objectif, l’important pour moi est de ne pas m’ennuyer, mais je m’ennuie très vite… !
Dans le contexte actuel on va consolider le succès du Barcandier en développant pas mal la partie restauration. Concernant Desireless, le salon de tatouage avec les guest tournants, je réfléchis aussi a un développement hors de la presqu’île. Pour la cave à bières, tout roule pour l’instant, manque juste un peu de déco, ce n’est pas mon fort, mais je m’entoure !

Parlons bien, parlons bières. Quel est cette passion que tu as pour la bière ?

Tout le monde aime la bière, il faut seulement trouver la bonne ! Il y a des milliers de styles de bières, acides, amères, sucrées, salées, fumées, fruitées, torréfiées etc… c’est ce qui est passionnant. Il y a forcément une bière à son goût ! (Et même si on n’aime pas les bulles, il y a des bières presque plates!). Lyon est une ville mythique pour la bière avec un très gros passif du Moyen Âge à la fin du XIXe siècle, elle sera une grande capitale de la bière brune. Encore aujourd’hui nous sommes dans une des plus importantes région brassicole de France, si ce n’est la première (?). C’est assez naturellement que la bière est venue à moi après des années à en boire de mauvaises (voire très mauvaises) et grâce aux rencontres. De plus, les brasseurs sont de vrais génies, pleins d’idées et de savoir faire, ce milieu ne s’endort jamais, il y a des nouveautés absolument tous les jours, c’est incroyable. Et puis il est assez facile de comprendre qu’on peut faire vivre l’artisanat locale très simplement avec la bière.

Tu t’es formé comment ?

Sur le tas, en rencontrant des spécialistes, des cavistes, des brasseurs amateurs, et professionnels et en goûtant (beaucoup), J’ai un petit carnet où je note toutes les bières que je goûte, j’en suis à presque 1000 , et ce n’est rien du tout par rapport à d’autres ! (Bon en vrai c’est une appli, mais c’est moins sexy) je me forme tous les jours.

Au bar comment vous choisissez les bières ? Quelle est la ligne éditoriale ?

Nos choix de produits au Barcandier sont assez similaires, que ce soit pour le vin, les cocktails ou la nourriture. Nous voulons offrir une gamme complète, tant au niveau du prix que des styles, et toujours dans le plus grand respect des clients, c’est à dire avec des produits de qualité. Nous avons donc des bières classiques accessibles (blondes, blanches, ambrées) mais aussi des bières très rares et très chères !

A la cave, quelles sont tes choix de brasseries, de bières ?

La ligne éditoriale de la cave c’est de faire travailler tout le monde, je dois donc faire tourner les brasseries, c’est pourquoi j’ai une dizaine de nouveautés par semaine et très peu de produits fixes, c’est un parti pris, mais je m’adapte à la manière de travailler des brasseurs, qui sortent des nouveautés très régulièrement. Concernant les prix, c’est comme pour le Barcandier: de l’accessible très classique au plus rare et plus cher forcément. Mais toujours: tous les styles, tous les formats (33cl , 50cl , 75cl) même si les références tournent.

Quelle est la bière la plus folle que tu aies eu ou que tu as ?

J’ai eu une bière brassée avec de la crème glacée à la banane, au bacon fumé, beurre de cacahuète et au bourbon. Tout ça en même temps oui, et ce n’était pas vraiment agréable.

Quelle est celle que tu aimerais avoir ?

Je ne sais même pas celle que j’aimerais avoir, car elle est sans doute dans la tête d’un brasseur actuellement ! Peut être une sorcellerie de chez Ammonite, un enchantement de chez La Montagnarde, une diablerie de chez Haarddrëch, une coquinerie de chez Prizm ou alors un truc zinzin de mes potes brasseurs amateur qui sont vraiment balaises !

Si tu avais 3 bières surprenantes à présenter ?

Il y en a trop, je suis surpris tous les jours par l’inventivité et la maîtrise de certains brasseurs !
L’avantage c’est qu’il y a une bière qui peut surprendre chaque personne, un débutant sera surpris par un certain style et un beergeek pourra être surpris par un autre style, ou la re-découverte d’un basique !

Quels sont tes conseils de dégustation ? (stockage, bouteille ou canette, au frais, debout dans le frigo, …)

Boire dans un verre, le plus grand possible pour que le nez contribue à la dégustation et jamais trop froid car les goûts de la bière ne se dégagent pas quand elle est trop froide ! (ce qui est pratique pour les mauvaises bières > les boire très froides)
Le stockage d’une bière doit toujours se faire à l’abri des UV, et le plus possible au froid, notamment pour les bières très houblonnées.

Comment tu t’es adapté aux protocoles et confinement ? (canettes, livraison, Packs de 6 à emporter, calendrier de l’Avent, …)

Comme pour la première fois, je fonctionne en drive, donc les gens peuvent venir pendant leurs sorties de courses, choisir en vitrine ou entrer pour des conseils au comptoir. Ils peuvent également fonctionner en pick-up, car je mets toutes mes bières sur Facebook et Instagram. Peu de demande de livraison cette fois-ci, mais si besoin je peux le faire sur demande ! Et j’ai aussi créé un calendrier de l’avent, qui peut également servir de calendrier de confinement !

Si tu avais 6 bières du confinement à proposer à emporter ce serait lesquelles ?

> L’acidulée au citron vert et concombre que tu connais et qui te rappelle un souvenir cool
> L’ambrée au gingembre qui t’as fais penser à quelqu’un en la voyant
> L’Imperial stout au pruneaux à 15% qui va t’aider à dormir malgré la situation compliquée !
> La petite pépite bien houblonnée aux saveurs de pamplemousse et de goyave que le caviste t’aura conseillé en te disant « celle ci , c’est de la folie ! »
> La bière avec des paillettes dedans qui fera rire tes potes en visio apéro,
> L’ipa vieillit en fût de bourbon que tu vas ouvrir au dé-confinement !

Quelle est la première bière que tu boiras pour fêter le dé-confinement ? Et celle pour la fin de la pandémie ?

Alors moi je vais travailler presque tous les jours donc je ne me sens pas tellement confiné, mais peu importe quelle bière ce sera, elle sera dans mon bar, avec mes potes, et elle sera délicieuse ! 
Et puis concernant la fin de la pandémie, je pense que j’irais en boire une belle avec mes parents, qui commencent à aimer la bière, mais ils ont des goûts de luxe et un fils caviste, alors ce sera une Cantillon, sans doute une kriek 100% Lambic !